6 mai 2009

La mode des écoles hassidiques clandestines

Quelques 20 jeunes hommes fréquentent la yeschiva Or Menachem - ou Arbre de vie de Napierville, une école hassidique non-reconnue par le ministère de l’éducation et qui accueille des élèves aux prises de difficultés d’apprentissage, de troubles comportementaux ou encore de problèmes de famille. Une école qui ressemble plutôt à un centre d’accueil, puisque le programme que suivent les pensionnaires est bien particulier. Le temps est divisé comme suit: 60% d’études religieuses et de prières et à 40% de cours de base, d’activités récréatives et de repas. Une institution qui déroge complètement du système d’éducation québécois. Et même si l’école contrevient à la loi, La Presse rapporte qu’aucune sanction n’a été infligée à cette supposée école.

Les parents désireux d’envoyer leur progéniture à ce “lieu” (appelons-le ainsi)appartiennent à la communauté Loubavitch, formant moins de 2000 personnes à Montréal. Pierre Anctil, un spécialiste des hassidiques et professeur à l’Université d’Ottawa précise qu’il s’agit de la communauté hassidim qui est généralement la plus ouverte sur l’extérieur. Difficile à croire lorsqu’on apprend que des parents dépensent 10 000$ par année pour que leur fils reprenne le droit chemin selon des règles strictes, à l’extérieur du monde montréalais turbulant. Selon l’avis de monsieur Anctil, il faut comprendre que ces gens doivent se conformer à un impératif de pratique religieuse intense, ce qui explique que les jeunes hassidiques ne peuvent fréquenter l’école publique. Et force majeure de comprendre aussi, je suppose, qu’il est hors de question que ces jeunes en difficultés puissent se redresser parmi d’autres élèves qui ne pratiquent pas la même religion.

Je n’ai pas l’intention de dénigrer l’oeuvre des fondateurs de l’Or Menachem, le rabbin Yehuda Dahan et sa femme. Il s’agit sans doute d’une brillante idée puisque les parents sont bien contents de connaître cet endroit, et même les jeunes y trouvent leur compte. C’est un lieu de transition où ils peuvent se retrouver, mieux s’entraider...ils n’ont pas l’air malheureux, même si les règles sont sévères: pas de sorties, pas de musique, pas de cellulaire, pas de magazine. Le taux de satisfaction est exemplaire aussi: les parents n’ont que d’éloges à adresser à cette école qui a visiblement changé leur vie de famille. Il reste que ce n’est pas une école, et ça me dérange.

Selon les dires du rabbin, ce n’est pas la volonté qui manque pour obtenir un permis. Il souhaite répondre aux exigences du ministère, mais le financement semble être son principal problème. Le rabbin indique que les sources de revenus proviennent essentiellement des dons, ce qui est insuffisant pour se procurer le permis dont il est question. Pourquoi afficher l’Or Menachem comme une école alors qu’elle n’en est pas une? Ne serait-il pas plus respectable et légal (!) de poursuivre les activités du lieu sans lui donner le titre d’école? Bien qu’il soit possible -et fortement conseillé par le ministère- que les pensionnaires fréquentent aussi une école, est-ce le rabbin s’assure que ces jeunes reçoivent une éducation conforme? «La yeschiva Or Menachem, là où votre fils réussira» apparaissant sur le site Internet du lieu et les annonces publiées pour trouver un tuteur de français et de mathématiques apportent une bonne partie de la réponse.

Une parmi tant d’autres

Le Devoir a fait le point sur ces écoles qui reviennent dans l’actualité pour leur contrevenance à la loi sur l’instruction publique. L’academie juive orthodoxe Yeschiva Toras Mosche est l’une des trois écoles accusées par le Ministère pour des motifs semblables et récurrents: pas de permis, pas assez d’heures accordées aux disciplines autres que religieuses et refus de se soumettre au contenu pédagogique exigé. À propos de ce contenu, j’ai de la difficulté à imaginer comment ces écoles pourraient accepter les manuels standards qui présentent des informations ou des images qui contredisent les récits bibliques ...mais il s’agit là d’un autre débat. La ministre de l’éducation, Mme Courchesne, accorde un délai jusqu’au mois de septembre prochain pour que les écoles juives orthodoxes illégales. Je ne sais pas si cette mesure sera réellement efficace, surtout en lisant ceci: «Qu'on nous permette un doute: dans un dossier aussi délicat que celui des écoles juives, la crainte de froisser mène à la paralysie politique. À force de menaces jamais mises à exécution, l'engourdissement du ministère de l'Éducation est devenu risible.»

Il ne reste qu’à patienter jusqu’à septembre pour voir s’il s’agit encore d’un avertissement parmi tant d’autres.

Josianne DESJARDINS

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