2 sept. 2009

Faut-il interdire Tintin au Congo ?


Déjà mis à l’index par une bibliothèque municipale de Brooklyn, New-York, l’album d’Hergé Tintin au Congo est encore au centre d’une polémique. Cette fois c’est un citoyen congolais, Bienvenu Mbutu qui demande le retrait de cet album. Selon lui, Hergé fait un portrait dégradant et faussé du Congo et des Africains. M. Mbutu a déclaré au journal français Le Parisien : « Le personnage du petit aide de Tintin est présenté comme stupide et sans qualités. On laisse penser que les Noirs n’ont pas évolué, qu’il faut les motiver pour travailler… Ces caricatures sont choquantes. ». L’avocat de M. Mbutu va lancer dans les prochains jours une procédure judiciaire visant l’interdiction pure et simple des aventures de Tintin en Afrique. C’est un album xénophobe et raciste selon les plaignants et le fait qu’il ait été écrit en 1931, alors que le Congo était une colonie belge, pays dont est originaire Hergé, n’est pas une excuse selon eux : «Au moment où cet album a été rédigé, il n'y avait pas de disposition légale incriminant le racisme. En 2009, oui. Nous ne faisons pas de l'histoire mais du droit.» affirme l’avocat de Bienvenu Mbutu, Me Claude Ndjakanyi.


Tintin au Congo a été publié pour la première fois en noir et blanc en 1931, et en couleur en 1946. Hergé avait déjà dû s’expliquer de son vivant sur la manière dont il avait à l’époque dépeint les Congolais : « J’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais. J’ai dessiné les Africains d’après les critères de l’époque ».


Advenant l’interdiction de Tintin au Congo, la porte serait ouverte pour d’autres retraits. Faudrait-il alors interdire les Simenon qui se déroule dans les colonies et qui parfois dépeignes les «indigènes» de façon peu flatteuse ? Ou les Agatha Christie qui se déroulent dans l’ancien empire britannique ? Ou certains Astérix ? La liste pourrait être longue. Ces histoires ont été écrites à une époque où les idéologies et le « politiquement correct » étaient différents. Et de cela, il faut tenir compte.


Le mot de la fin revient à la société Moulinsart, qui gère le patrimoine d’Hergé Dans un communiqué émis cette semaine, suite à la sortie de Bienvenu Mbutu, la société affirme qu’une « œuvre aussi foisonnante que celle d'Hergé ne peut qu'inspirer des réactions, sensées parfois, souvent ridicules. Juger le contenu d'une œuvre ne vaut que si on la replace dans le contexte de l'époque où elle a été publiée. Lire en plein XXI e siècle un album Tintin, datant de 1931, demande un minimum d'honnêteté intellectuelle. Celle-ci nous garde de sombrer dans les anachronismes faciles et trop couramment complaisants».


Anaïs Chabot